Le lexique de la darja, est qualifié de parler diglossique. C’est une spécificité propre à l’Afrique du nord. « Le terme de diglossie trouve sa source dans le grec de basse époque diglôssiâ, qui se traduit par une dualité de langues » explique le professeur André Tabouret-Keller.
En effet, la darja contient un nombre conséquent de mots d’origine libyco-berbère (entre autres), et dont l’étymologie nous est souvent inconnue, comme c’est le cas, par exemple pour le vocable « el no’w », qui signifie pluie. L’ensemble du territoire algérien connait autant d’appellations que de dialectes, langues et patois pour désigner la pluie. Nous l’appelons lahwa ou aguefour en Kabylie, lamtar dans plusieurs régions du centre et de l’est; ainsi qu’en Tunisie, s’ahab en hassanya à Tindouf, qui signifie nuage en arabe classique; iwet adjenna en tamasheq, aman’ o jenna en zénète du Gourara (littéralement, l’eau d’en haut) , amenthna ou anzar au Aurès ainsi que no’w en Oranie, Batna, Jijel et Ain Sefra.
« Ya no’w sobi sobi »
Ce vocable semble tirer son origine de l’antique dieu amazigh de la pluie, Anzar. Ameziane Kezzar et Mohand Lounacico, co-auteurs d’une série d’articles sur la dieu amazigh Anzar, établissent une analogie entre Anzar et no’w en mettant en exergue ce qui aurait été une racine commune / NZER/, verbe qui signifie être sec. Ainsi, le Tenzrouft (la partie la plus chaude et aride du Sahara algérien) serai qu’une allégorie à l’absence de la pluie. Le nom propre Anzar le dieu, ou anzar (la pluie) mute, et donne naissance à no’w. Certaines régions conserve encore de nos jours cette forme originelle comme il est le cas au Aurès et à Ouargla, qui usent de la variante, amzar. Vocable attesté dans plusieurs régions de l’Afrique du nord, on le retrouve en Tunisie ainsi qu’au Maroc.
Par ailleurs, les croyances et rituels d’obtention de la pluie en Afrique du nord sont très nombreux. La pluie est crainte, attendue, chantée et vénérée, comme l’atteste le chant populaire : « Ya no’w sobi, sobi, matsoubich aliya. Hata uji Hamou khouya ghatini bel zarbiya » (Ö, pluie tombe, tombe mais épargne moi jusqu’au retour de mon frère Hammou, il me couvrira avec le tapis ». L’orientaliste Edmond Destaing, rapporte le rituel suivant, observé chez les Ath Snous, une tribu amazigh de l’Oranie : « A Mascara, quatre assiettes avec sel sont placées sur les tentes, le sel humide au matin indiquera lequel des quatre premiers mois de l’année aura de la pluie ». Le rituel le plus connu et répandu est celui consacré à Anzar, dieu de la pluie qui se réalise à travers des us qui subsistent encore de nos jours.
On retrouve la pluie sous la forme d’El no’w au Sénégal (en wolof); laquelle se nomme « taw » ou encore « nvouwa » aux Iles Comores. Cette similitude phonétique peut ouvrir le champ de recherche, à une racine commune en Afrique. Le vocable no'w est également usité en arabe classique, il est á rappeler que l'arabe classique " fousha" apparient á la même famille de langues que de tamazight dite afro-asiatique ou chamito-sémitiques.
Leila Assas
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