Le voile chez les hommes touaregs ne relève pas uniquement de l’ordre de l’esthétique. Le taglmoust, pièce maîtresse de l’apparat masculin, traduit une vision du monde ancrée dans une cosmogonie inaltérée, et témoigne d’un art de vivre qui ne cesse de fasciner.
Symbolique
Taglmoust est un voile qui peut atteindre les huit mètres de long. Il couvre le visage des hommes, ne laissant entrevoir que les yeux. Sa longueur diffère en fonction du rang et de la caste de celui qui le porte. Les nobles le portent très long, contrairement aux hommes de rang inférieur, qui ne laissent pas entrevoir beaucoup de sophistication. «Le voile. C’est surtout un vêtement de salon, de société, de cérémonie, quelque chose d’analogue à nos gants, mais bien plus strictement indispensable. » Fait remarqué M.E.F. Gautier.
Aussi, son port revêt une lecture qui suscite encore de nos jours, une imagerie fort mystérieuse. Le fait que les femmes apparaissent moins couvertes, drapées d’étoffes qui ne masquent pas leurs visages comme il est le cas chez les hommes, contribuent à nourrir le fantasme. D’ailleurs, le voyageur occidental du début du XIXe siècle a brodé une fantasmagorie sur le port du taglmoust, et diverses théories ont foisonné sur cette société «modérée ». L’une de ces hypothèses met en avant une légende locale, selon laquelle il fut un temps, où les femmes se seraient montrées les plus vaillantes pendant la guerre; depuis ce jour, les hommes, honteux et confus, auraient porté un voile qui couvrait quasi intégralement leurs visages. Il est vrai que les femmes jouissent d’un statut privilégié dans la société targuie; mais leur mode de vie réfute cette théorie. Maîtresses des foyers et des tentes, elles ne sont contraintes ni de se nomadiser, ni de s’éloigner du campement . Ainsi, elles ne sont pas confrontées aux conflits extérieurs, ni à l’essuf (le vide), cet espace de superstitions et des djinns.
Porté dés la puberté du garçon, le Taglmoust souligne à la manière d’un rite de passage à l’âge adulte, l’émancipation de ce dernier de la tente maternelle, vers le monde des hommes. Il devra désormais mesurer ses paroles, prendre part dans la société, et dompter l’espace extérieur « essuf ». Enfin, le caractère codifié est aisément mis en exergue à travers le lexique autour du taglmoust. En effet, le tissu est composé de deux pans, appelés amawak wan eres (gardien du bas) et amawal wan afalla (gardien du haut). Le gardien, préserve l’homme de sa bêtise et de sa maladresse; ainsi, ce glossaire, nous renvoie vers une philosophie qui prône de la mesure dans les gestes et les paroles. « Le voile qu’ils rabattent sur leur front et sur leur bouche rappelle à chaque instant la solitude dont ils se protègent, et où les plus talentueux tirent la matière de poèmes qui les peignent tels qu’en son principe la société les fait être : loin des tentes. » explique l’anthropologue Casajus.
Leila Assas
Bibliographie :