Sa liberté dérobée, puis vraisemblablement retrouvée, l’esclave affranchi des oasis Sahariennes, se trouve aujourd’hui, au purgatoire de sa condition. Souvent représenté khôl aux yeux, et thé à la bouche, parfois attaché à la scelle d’un méhari, galopant fièrement entre passé et présent, il a longtemps nourrit de sa sueur, l’encrier des orientalistes et officiers colons.
Dépossédé de l’héritage de ses aïeuls, son sobriquet représente de nos jours, un ethnonyme qui fait office d’un titre d’affiliation. N'etant pas un groupe social homogène, la généalogie des haratines reste controversée.
Le terme hartani, (au pluriel haratins لحراطين) : souffre d’une connotation négative; et il est utilisé pour désigner les descendants d’esclaves affranchi en Algérie, au Maroc, au Sahara occidental, au Sénégal, au Mali et en Mauritanie.
L’étymologie de ce vocal est nuancée. La racine du mot : el Harate, désigne en arabe classique celui qui cultive la terre, mais el hartani représente également l’affranchi, sorte de vernaculisation du terme "Hor tani" : l’homme libre de second rang; en opposition au cherif : le noble. Il incarne donc la main d’œuvre, mais aussi l’esclave qui fut l’objet de commerce et d’échanges sud – nord, ainsi qu’un signe ostentatoire de richesse, pour ceux qui pouvaient en disposer.
Le hartani ne peut se prétendre appartenir à la noblesse féodale en opposition au cherif ( le noble ) ou au m’rabet (propriétaires des terres, et gestionnaires des zaouias). A l’origine, les chorfas se recrutaient exclusivement parmi les population arabes (ou prétendues comme telles), par la suite, le statut du chérif, sera attribué au m’rabtine afin de les « anoblir » .
La controverse de la traite des hommes
La configuration sociale totalitaire repose sur des règles sciemment codifiées; en ce sens, les castes sont préétablies selon les lignées et statuts des hommes, au sein de la société. Reposant sur un système féodale, les tâches jugées « ingrates » telles que : la culture de la terre, l’entretien de la jennan (jardin), le récurage des foggaras (puits souterrains), ainsi que l’entretien de la tente pour les populations nomades, sont prises en charge par les esclaves.
La restructuration du système social durant l’époque coloniale octroie aux esclaves affranchis un nouveau statut, et donc une nouvelle fonction : celle du métayage de la terre ou de l’eau.
Il existent divers hypothèses sur l’origine de l’appellation des Haratins, selon lesquelles, elle désignait initialement les descendants des Bafours : un peuple agropastoral, vivant dans la région avant l’arrivée des Berbères, et seraient par ce fait autochtones de la région du Sahara; d’autres affirment qu’ils seraient descendant de Gétules et d’Ethiopiens. Enfin, le terme renvoie de nos jours, aux descendants d’esclaves déportés du sud de l’Afrique occidentale, car durant l’ère musulmane, l'on connut de successives vagues de déportations d’hommes issus des peuples Peuls, Soninkés, Bambaras et Wollofs; et cela depuis le Tchad, le Niger, et le Mali, vers les oasis occidentales ainsi que les royaumes du Maghreb et d’Andalousie .
Ce n’est que dans une Algérie poste coloniale que la condition humaine des haratines fut réformée. Le hartani devint Khammas : c’est-à-dire qu’il n’est ni propriétaire de l’ eau, ni de la terre.Tributaire de l’aléatoire, il bénéficie du cinquième de la récolte; et même s’il n’est plus tenu d’accomplir les tâches ménagères, il souffre des contraintes liées aux conditions de son métayage, qui l’assujettissent à une nouvelle forme de servitude .
La controverse sur l’abolition des esclaves subsistent encore de nos jours en Mauritanie.
Leila Assas
Bibliographie :
Initialement publié sur Babzman