Parmi les fauves et bêtes sauvages qui ont peuplé le nord Afrique, le lion de l’Atlas demeure le plus emblématique et plus majestueux d’entre eux. Caractérisée par sa belle et imposante crinière, cette bête féroce avait tout de même un prédateur du côté de l’Oranie. Demouche Benchinoun, le chasseur a laissé son nom à la postérité, et son histoire légendaire sera relatée de génération, en génération par les grands-mères de la région de Sidi Bel Abbes.
Mythe fondateur ou personnage historique
La légende dit que Démouche était originaire de Tassala, un mont de l’Atlas tellien en Oranie, et aurait vécu durant la période des beys ; probablement au début du XIX siècle, où l’usage du fusil est attesté. Il avait pour coutume, selon les dires, de chasser des fauves, près de la plaine qui domine la région de Mekkera. Nommé Caïd de sa tribu en raison de sa bravoure et de sa renommée, il était aussi connu pour son courage que pour sa hardiesse ; et aurait eu un tableau de chasse d’une trentaine de panthères et plus de quatre-vingt lions. Cavalier et chasseur solitaire, il affirme sa célébrité par un dernier combat contre une lionne, dont la présence fut signalée près du village. Demouche s’était donc élancé à sa recherche et l’aurait trouvée se désaltérant près de la rivière. Il l’a touche, mais ne peut la tuer, s’ensuivra alors un combat à l’arme blanche, dont il garda de graves blessures. Il est dit qu’il vécut longtemps, en gardant des traces irréversibles de cet ultime combat.
A propos du chasseur, le général Lacretelle relate ceci : « De 1848 à 1854, époque où mon service dans les bureaux arabes m’appelait à parcourir incessamment le territoire de la province de Sidi-bel-Abbès, le pays était encore infesté par les fauves. [ ] Du temps des Turcs, ils portaient à Oran la dépouille des grands carnassiers, et recevaient du Bey une récompense en argent, suivant un tarif établi, qui était de 20 douros pour un lion, 10 douros pour une panthère. Quand le même chasseur renouvelait plusieurs fois ses exploits, le Bey lui octroyait un thedir par lequel il l’exemptait de payer les impôts. Le plus intrépide de ces nemrods n’était mort que depuis peu d’années quand je vins à Bel-Abbès, et le récit de ses exploits défrayait les conversations du soir. »
Le manque de datation ou d’analogie chronologique accentue la thèse de la légende, et jette la confusion sur la véracité des faits. L’histoire n’en demeure pas moins, constitutive de l’un des mythes fondateurs de la région. Il faut préciser qu’il existe des traces écrites sur le fameux chasseur, dans les textes coloniaux français, et plus précisément dans les chroniques du village coloniale de Trembles, créé en 1850 près du marabout de Sidi Hamadouche, dont le mausolée subsiste encore. Il faut préciser qu’aucun rapprochement avec le personnage de Demouche Benchinoun n’est évoqué, et aucune source n’indique avec certitude, qu’il s’agisse du même personnage. Pourtant, une assimilation phonétique entre le nom de Demouche et Hamadouche reste plausible.
Sidi Bel Abbes, Sidi Lahcen ou encore Demouche Benchinoun font partie de la grande mosaïque de l’Histoire de Sidi Bel Abbès qui « [ ] a une histoire qui fourmille de mille faits de singulières dates.» souligne M. Kadiri.
Mythe ou réalité, le personnage de Demouche Benchinoun continue d’alimenter les récits des longues nuits hivernales.
Leila Assas
Bibliographie :