L’orfèvrerie nord africaine a paré la femme algérienne de beaux bijoux. Réalisés avec un raffinement et un savoir faire transmis depuis des générations; certains bijoux antiques, encore d’usage, ont été signalés depuis l’Antiquité. Bracelets, diadèmes, broches, ceintures et chevillères sont à la fois un ornement pour celle qui les porte, mais aussi un patrimoine matériel, et surtout un placement d’épargne.
Des bijoux antiques et courants d’influences
L’orfèvrerie punique connait de nombreux courants d’influences, notamment phénicienne, romaine et égyptienne; cette multitude d’inspirations apparait dans le choix des matériaux et formes. L’or, l’argent et le bronze sont à l’honneur ainsi que la pâte de verre, le corail, le saphir et Lapis-lazuli. De nombreux bijoux, prélevés des sites de Collo, Tipaza, Cirta et l’Ile de Rechgoune en Oranie, sont à admirer dans nos musées nationaux, au Bardo*, au Musée des Antiquités* et au Musée de l’Archéologie*. Parmi les bijoux reliques nous retrouvons , le fibule, sous ses différentes formes. Il fut zoomorphe à la période romaine, c’est à dire d’inspirations animale mais aussi circulaire et triangulaire. Pièce maîtresse chez les tribus amazighs. Tavzimt, medouar,chemassa, khelala et tissghness sont quelques unes de ses appellations.
J.Lahlou évoque dans son ouvrage biographique romancé dédié à Massinissa, une visite chez les orfèvres de Carthage où l’aguellid choisit un tavzimt, fibule en argent « Chez les orfèvres, il y avait de multiples modèles transplantés dans cette tour de Babel qu’était Carthage. Des bijoux égyptiens en forme de scarabée, de lourds bracelets d’argent des nomades de désert, des colliers munis de multiples pendeloques, des croissants de Tanit. Ce fut une broche en argent ornée de corail qui retint son attention [ ] c’était un échantillon de l’art numide. » Énonce-t- elle.
Des bijoux rattachés à l’Antiquité tardive ont été signalés à Abelessa, il s’agirait selon les thèses avancés du tombeau royal de Tin Hinan ( 4 -5 siècle) son trésor contenait des bracelets, des pendentifs, et des colliers de perles et de pierres semi précieuses.
Castes et corporations
L’orfèvrerie nord africaine obéit à un système de transmission basé sur l’héritage de père en fils. Des familles, ethnies ou castes se sont constituées au fil du temps en orfèvres de renom. Les familles Ath Abbès et d’Ath Larba et d’Ath Yenni, en Kabylie pérennisent le bijou kabyle depuis le XVI siècle. Chez les touaregs, ce métier est confié à la caste des Kel Inaden. Nomades, ils ont côtoyé les juifs amazighs de l’Atlas Saharien, qui se sont également distingués, opérant avec les mêmes techniques que leurs homologues du Mzab, du Gourara et du Touat. Les bracelets « debliz », « taghalt » colliers à amulettes et « mhabes » bagues en forme de dôme sont des bijoux en circulation du également au Maroc, en Mauritanie, en Tunisie, au Mali et Niger.
Sous Salah Bey (période ottomane), les artisans se constituent en corporation affectés à des quartiers comme « Souk es-seyyaghine » à Alger régit par un Amine es-Sekka ( le contrôleur de la monnaie) qui avait pour tâches de veiller à la qualité des métaux et du travail . Durant la période islamique et à au temps des beys, les bijoux nord africains sont qualifiés de citadins (héritage andalou*), en opposition aux bijoux d’inspiration punique, encore très prisés dans l’aire rurale des Hauts Plateaux, Atlas tellien et Saharien. Ainsi, les femmes de Tlemcen, Oran, Alger arborent de nouvelles pièces comme raâch’a (épingle), assaba, keît el rouh et zerrouf (diadèmes) ,çarma (coiffe conique), djohar (collier de perle), meskia ( pendentif en or).
De nos jours, lors des mariages principalement, on se pare des bijoux d’antan, héritage familiale ou nouvelle acquisition, le bijou nord africain apparait tel un canal de communication et un langage complexe et un moyen de thésaurisation. Il véhicule des hypothèses de sens sur l’origine, les inspirations et le rang social de celle qui le porte.
Leila Assas
Bibliographie: