La virginité, et plus précisément celle des femmes est un thème universel, qui aborde chez plusieurs sociétés la question de la chasteté et de l’honneur. Il devient par extension un fait coutumier. Ou encore,«[… ] un état physique, qui charrie avec lui une totalité sociologique et anthropologique encore plus complexe […].
L’honorabilité qui commence avec la virginité, se superpose avec le désir de protection et de développement du patrimoine matériel de la famille. Elle est reconvertie en valeur économique » explique l’anthropologue Zine Eddine Zemmour. Il convient de préserver ce « patrimoine » au moyen d’une éducation stricte mais aussi de pratiques, d’us et de coutumes, comme par exemple le rituel nord africain appelé, el R’bat.
Une pratique secrète
El r’bat signifie nouer. Il s’agit à proprement parler, d’un rituel qui vise à sceller l’hymen de la jeune fille, qui sera dès lors appelée el marbouta » (nouée, ou « el msakra » (scellé); au moment crucial de sa puberté. Cette pratique se réalise dans l’intimité des foyers, par les parentes et les ainées de la jeune fille. A cet effet, des objets symboliques liés à l’imaginaire féminin, comme le métier à tisser, et le coffre de la mère ou encore un cadena, sont utilisés; seule demeure constante, l’incantation qui vient achever le rituel, « Wald en nas khaït wana haït » et que l’on peut traduire comme suit : le fils des autres est fil et je suis un mur; comme pour souligner l’impuissance de se dernier à déflorer la jeune pucelle. Une formule qui sera répétée sept fois durant le rituel.
Ce cérémonial a été observé dans plusieurs régions comme par exemple en Oranie, où la fillette fait sept fois le tour du métier à tisser au moment de sa confection. Elle est piquée, et reçoit un coup de balai à chaque tour; puis, elle enjambe la barre de l’objet. On finit le rituel avec la formule magique qui est répétée sept fois. Dans certaines régions comme le Constantinois, une petite incision est pratiquée sur la cuisse de la marbouta, ou sur le clitoris comme il cas chez les Reguibet de Tindouf. Ce marquage physique appuie la clôture symbolique qui ne sera défaite qu’à l’occasion de la nuit de noce de la fille, par le biais d’une formule inverse « wald en nas haït wana khaït » (le fils des autres est mur et je suis un fil), cela vient comme pour vanter la virilité de l’homme, en opposition à la fragilité de son épouse.
El R'bat exerce en ce sens une sorte de catalyseur psychologique, dont le pouvoir ne peut être contesté. Il agit à manière d’un placebo ou d’un tabou, dont l’emprise ne peut cesser de fonctionner que si l’on nie son effet. Ce marquage symbolique tend à appuyer une éducation exempte de pratiques charnelles (en dehors du cadre du mariage).
Cette pratique subsiste encore de nos jours, où la chasteté de l’épouse est exhibée telle une dote, assurant ainsi l’honneur et les éloges à sa famille, et ce malgré les avancées en matières des droits des femmes pour être maitresses de leurs corps. Cependant, les organismes observateurs des droits de l’Homme et l’individu, dénoncent et émettent des rapports alarmants sur les crimes d’honneur comme en Albanie, où c’est très courant de tuer la sœur ou la fille non vierge.
Leila Assas
Bibliographie :