Ali Hefied décède le 09 novembre 2015 à Kolea, à l’âge de 72 ans, non sans avoir légué à la mémoire algérienne des milliers de clichés. Son ouvrage Regard sur le théâtre algérien, s’impose comme une référence indéniable de la mémoire photographique. Ali Hefied était journaliste*, photographe, et reporter.
L’intimité et l’aura des planches
« Cet ouvrage est dédié à mes amis de théâtre, Abderlkader Alloula, Azzedine Medjoubi, Hadj Omar, trop vite disparus.». C’est avec ce modeste et poignant hommage, que l’auteur prélude son ouvrage. Bouleversant témoignage, si l’on tient compte du contexte d’intervention de ce dernier. Nous sommes en 2003, au crépuscule d’une guerre civile qui causa la mort et la perte des plus grandes icônes de la scène culturelle algérienne. Ainsi, Regard sur le théâtre algérien prend des allures d’une littérature de l’Urgence*.
A ce sujet, Ahmed Bedjaoui, un des collaborateur de l’ouvrage avec un texte intitulé, Ali Hefied , la mémoire restituée, nous interpelle avec les mots suivants : « Depuis trente ans, Ali Hefied photographie les comédiens pour nous offrir un miroir où se reflètent nos drames collectifs. Il n’a cessé d’accompagner le théâtre et les acteurs dans leurs confessions au public ». En effet, Ali Hefied partage avec nous l’intimité et l’aura des planches. Des clichés en noir et blanc, plans serrés, sourires francs et regards luisants. On y découvre un Alloula démesuré dans la pièce Homk Salim (Le Journal d’un Fou), une Sonia aux multiples facettes ainsi qu’un Kouiret et un Rouiched dans un face à face épique. Ces photographies sont ponctuées de notes qui font échos aux impressions de l’auteur.
Véritable encyclopédie, répertoriant ouvrages, auteurs, metteurs en scène, producteurs et années de sortie; ce fond documentaire est constitué de cinquante pièces maitresses du théâtre algérien; lesquelles furent mises en scène depuis le lendemain de l’Indépendance jusqu’au début des années 2000 (entre 1963 et 2002). Nous citons parmi ces pièces : El Hayet houlm (La vie est un songe, 1963), El h’sab tlef (le compte n’y est plus, 1974), Haffila Tassir (le conducteur d’autobus, 1985), et Baya (1992).
Quatre textes, signés respectivement Mohammed Khada, Ahmed Bedjaoui, Kamel Bendimred et Abdelkrim Djilali, accompagnent les photographies de l’auteur. A la fois, académiques, descriptifs et sociocritiques, ces textes rendent compte de l’évolution du théâtre algérien, dressent le bilan des actions passées, évoquent les aspirations futures, tout en laissant transparaitre cette omnisciente douleur indélébile à l’aune de la Décennie Noire. Et qu’Abdelkrim Djilali (ancien directeur d’Algérie actualité) exprimait de cette façon en évoquant « […] Ceux qui sont morts, érodés, dans l’oubli et l’abandon ou, plus expéditif, direct, rapide et plus résonant, dans le fracas des balles. Ceux qui leur ont survécu, c’est sûr, ne les oublieront jamais. Ce livre en est désormais témoin ».
Regard sur le théâtre algérien se lit dans sillage d’une trame historique, et sociolinguistique de cette Algérie en perpétuelle mutation.
Leila Assas
Bibliographies :