Les Aissaoua constituent un ordre religieux inspiré des rites du soufisme, tout en ayant des rites spécifiques. Le mouvement est créé à Meknès au XV siècle par Muhammad Ben Aissa (1465-1526 / 882-933 H.), un soufi célèbre pour son ascétisme et son charisme. La confrérie est réputée pour la complexité de ses rituels, mêlant des pratiques musulmanes et païennes, comme l’introduction des chants, la danse thérapeutique de transe, mais aussi l’apprivoisement d’animaux tels que les serpents. Les aissaoua passent ainsi pour des adorateurs de reptiles, et seraient immunisés contre le venin. Alors, ésotérisme ou subterfuge ?
Ésotérisme ou subterfuge ?
L’on raconte que le maître spirituel des aissaoua, Ben Aissa, avait connu les années d’exil et de l’errance dans le sud marocain, où il apprivoisa les serpents en milieu hostile et s’en nourrit. Ainsi, ses adeptes sont appelés « Les frères de serpent ». Concentrés au Maroc, principalement à Maknes, leur présence est également signalée en Algérie, et suscitent beaucoup d’interrogations, oscillant entre science mystique ou mise en scène folklorique.
« Les Aïssaoua exerçaient sur eux [les serpents] une étrange et mystérieuse influence. […] Plus tard j’appris que les « frères de serpent » possédaient des secrets que nos médecins ignoraient », relate l’écrivain Vassilij Ivanovič Némirovič-Dančenko. Les exemples sur ces charmeurs de serpents abondent, et il est dit que le jeune Ahmed al’Alawi, avant d’initier sa propre tariqa al’Alawiya dont la zaouïa mère se trouve à Mostaganem, avait exploré les voies de la confrérie des aissaoua, et avait le pouvoir de charmer les serpents. Il s’en détourna et aborda la tariqa darqawiyya, une autre confrérie pour finir par trouver son chemin spirituel. Charmer des serpents, ou dompter des fauves sont des récits souvent évoqués pour chanter les prouesses des marabouts du siècle dernier. Mages, magiciens ou usurpateurs, le mystère des maîtres soufi reste intacte. Leurs auras aussi.
Par ailleurs, les travaux de recherches de Sossie Andezian passent pour être les plus contemporain sur le sujet en Algérie. Et dans son ouvrage Expérience du divin dans l’Algérie contemporaine, elle revient sur le « processeur de réinvention » des rituels à l’aune des bouleversements sociopolitiques. En effet, le culte est devenu marginalisé au cours de ces dernières décennies, en se transformant en spectacle folklorique. C’est au Maroc où l’on peut encore observer le phénomène des charmeurs de serpent à grande échelle, particulièrement l’usage de l’animal fétiche, le Cobra d’Égypte. Une pratique qui tend de nos jours vers la représentation pour appâter les touristes plus qu’un rite des initiés. Il faut savoir que les crochets des serpents sont arrachés, rendant ces derniers vulnérables, et tributaires de leurs maîtres qui les nourrissent d’œufs.
C’est à Marrakech, à la place de Djamaa el Fna, où ils sont le plus visibles. Un commerce lucratif qui met en péril la biodiversité au Maroc comme le soutien le professeur marocain Tahar Slimani. Le Cobra d’Égypte est désormais une espèce menacée au Maroc et des rapports sur la maltraitance de ces reptiles sont signalés; ce qui jette la confusion et ouvre le débat sur la controverse de leurs supposés pouvoirs surnaturels.
Leila Assas
Bibliographie :