L’art culinaire, à l’inverse de la cuisine dite rudimentaire, témoigne de la complexité et du raffinement des choix des mets, de leurs composition, et de la spécificité du choix des ustensiles.
L’art culinaire est l’un des constituants des plus importants dans les habitudes de vie d’une société, et se manifeste à travers différente composantes. Le déchiffrage de la table et de la cuisine traduit avec éloquence les particularités du terroir. « L’art culinaire confère et entretient une forte identité. »
La terre, l’eau et l’homme
L’étude des habitudes culinaires et nutritionnelles de la région du Tidikelt, est centrée sur la triade de la terre, de l’eau et de l’Homme. La région semi désertique, est constituée d’un chapelet d’oasis dont Reggane, Aoulef, In saleh et Sali. La région du Tidikelt qui s’étend sur une superficie d’environ 100 000 km², se situe donc au cœur du Sahara, et se trouve délimitée à l’ouest par le Touat; à l’est par le Tassili n’Ajjer; au nord le par le Tademaït, et au sud par les plaines aux pieds des monts du Mouydir et de l’Ahnet.
Terre aride et peu clémente, c’est l’une des régions les plus chaudes d’Algérie, enregistrant des écarts thermiques très prononcés. Par ailleurs, Tidikelt est scindée en deux mouvances : l’une nomade, pastorale; et l’autre sédentaire, basée sur l’agriculture et dont l’atout majeur, relève de l’existence d’une nappe phréatique et artésienne abondante, qui alimente les ksours et les oasis en eau.
La culture la plus répandue reste celle des dattes, qui servirent également de monnaie d’échange. Elles furent en effet, troquées principalement contre le blé (une denrée convoitée), céréale dont la culture remonte au VIII e millénaire av.J-c. en Mésopotamie, dans la région du Croissant fertile.
Un rapport officiel, des autorités françaises de 1906, énonce les informations suivantes :
(valeur de troc, en dattes)
1 charge de blé contre 4 de dattes
1 charge de fèves contre 4 de dattes
1 charge d’orge contre 3 de dattes
Carrefour des délices
Terre de passage des caravanes et du commerce transsaharien, la région du Tidikelt jouit d’une vaste richesse ethnique, qui se détermine par la présence des communautés Touaregs, Zénètes et Chaamba : une tribu arabe à tendance nomade réputée pour l’élevage des dromadaires.
Ces influences et échanges se traduisent par l’existence d’un large panel de produits, tels que le thé du Niger et du Tchad, le fromage de les épices de l’Oranie permettant d’agrémenter leur cuisine.
Les mets du Tidikelt sont donc à la fois simples et bourratifs, mais se veulent également élaborés et sophistiqués selon les circonstances et occasions, pouvant refléter ainsi, l’appartenance à un rang social.
Par ailleurs, on ne peut séjourner à Tidikelt sans goûter au plat typique de la région : Khobz el guella. Il s’agit d’une galette épaisse à base de semoule préparée dans une jarre en terre-cuite, jonchée sur des braises ardentes, appelée « el guella ». Je fus stupéfaite par la dextérité et l’agilité des femmes qui retirent la galette du feu au fond de la jarre ardente .Une fois refroidie et émiettée ,on y ajoute une sauce onctueuse à base de fèves, piments, tomates fraîches et séchées, de dattes et de viande de chamelon marinée. Ce met délicieux est servi dans un grand plat commun et non en parts individuelles, et on le mange avec les mains lors des fêtes ,des assemblés, et des repas en famille.
Il existe une autre variante de cette recette, appelée « khobz el mella ». La galette est cuite sous le sable, à l’étouffée, et on y retrouve les mêmes ingrédients. Ce plat est très appréciée chez les nomades et les caravaniers.
De la cuisine rudimentaire à un véritable art culinaire, l’étude de l’art de la cuisine Tidikelt dévoile ce lien subtil qu’entretient l’homme avec son environnement. Une cuisine à la fois sophistiquée et fonctionnelle, qui se pratique de différentes manières tout en s’ajustant aux besoins du milieu; dans un espace où les éléments se combinent de sorte à développer un art de la table aussi savoureux que singulier.
Leila Assas
Bibliographie :