L’environnement de la Pentapole de la vallée du M’zab détermine d’une part l’approche architecturale et les moyens investis en ce sens et délimite, d’autre part, la fonction qu’on peut leurs attribuer.
Nous constatons une éloquente corrélation entre le bâtit ainsi que les traits de la société. La relation qu’entretient la société mozabite avec son habitat se traduit sur différents aspects. Ainsi, nous ne pouvons approcher le fait architectural sans aborder l’histoire des mozabites.
Les bâtisseurs de la Pentapole, contexte historique
L’histoire de cette région est rattachée depuis plus de mille ans au culte de l’Ibadisme, une école de pensée et un courant théologique des plus antiques de l’Islam, fondée durant les premières décennies qui ont suivis la mort du prophète Mohamed par Abdullah ibn-Ibad at-Tamimi. De nos jours les ibadites constituent une minorité clairsemée, c’est-a-dire la moins dense dans l’Islam. Les musulmans ibadites sont environ (1 %) et se trouvent dans la vallée du M’zab en Algérie, mais également dans le Sultanat d’Oman, dans l’île tunisienne de Djerba et dans le djebel Nefousa en Libye.
Les ibadites créent le premier état musulman au Maghreb : l’état Rustumide. Ils furent ensuite combattus et chassés par les Fatimides au Xe siècle, les obligeant à l’exode, au repli, et à se réfugier à Ouargla temporairement. Ils se dirigèrent alors vers la vallée du M’zab, où ils se mêlent à la population locale essentiellement berbérophone et bâtissent la pentapole du M’zab qui se compose de cinq cités : Ghardaïa (devenu le chef-lieu de la wilaya), El atteuf, Beni Isguen, Mélika, Bounoura.
L’établissement des ibadites dans Le Mzab n’est pas fortuit, situé au nord-est saharien, à 600 KM de la capitale, plateau rocheux, dont l’usure, suite à la force éolienne et fluviale, forme des reliefs assez intéressants, en adéquation avec les exigences militaires des ibadites lors de leur implantation dans la région.
L’espace hermétique de la population ibadite a préservé la zone, et l’ibadisme continue de conformer la vie sociale de la région et cela à différents niveaux : des échanges économiques aux célébrations des cultes. Le Majlis, le conseil fédéral régit les cités de la Vallée.
Nous verrons dans une seconde partie, comment le foyer mozabite, mitoyen de la mosquée dont le minaret servait de point de sentinelle autrefois, s’intègre dans la cité homogène. L’atavisme historique régit encore aujourd‘hui diverses manifestations socio-culturelles des mozabites. Dans une société où l’on se réfère au consensus : « l’Ittifaqat » la structure sociale reste indissociable de l’approche architecturale.
L’architecture mozabite semble éradiquer tout symbole ou structure ostentatoire dans la construction de son habitat. La sobriété et la pureté des lignes sont les mots d’ordre de cette élévation harmonieuse et rigoureuse, dont résulte une cohésion esthétique et surtout urbanistique certaine.
L’édifice public, les lieux de cultes et les foyers sont semblables : minimalistes, empreints d’humilité et de parcimonie, reflétant parfaitement la pensée de la société mozabite.
L’habitat mozabite, entre structure sociale et approche architecturale
Au M’zab , les formes concilient toutes les forces, qu’elles soient d’ordre sociales et/ou techniques. L’équilibre de la société elle-même s’y exprime, de sorte à ce que l’unité, l’égalité et les concepts de la foi inhérents à la bonne marche de la société, y soient représentés. Ainsi, toutes les maisons ont la même hauteur; et il en est de même pour la mosquée car « la forme dite structurale » exprime aussi la vérité dans les moyens.
Les citées de la Vallée sont caractérisées par un mur d’enclos, et constituent par conséquent des unités autotéliques construites par une main-d’oeuvre, autrefois communautaire. Les maisons sont spacieuses et se divisent en deux niveaux, elles communiquent entre elles, par un escalier étroit. Tout est donc minutieusement étudié pour que l’habitat soit à la fois un lieu intimiste et une structure qui évolue dans un ensemble cohérent : L’orientation des terrasses, Iqomar (les galeries), Les passages protégés, le besoin de lumière etc.
Ainsi, l’habitat Mozabite est « un bâti qui préserve l’organisation des rapports sociaux » : rapports entre les sexes, rapport entre le monde profane et le culte religieux, par l’emplacement et la hauteur de la mosquées semblable à celle des maisons.
Une construction sobre et harmonieuse
L’architecture mozabite est organique, les matériaux utilisés sont la brique naturelle à base d’argile, la chaux (ce qui donne l’aspect blanc immaculé), la pierre, le plâtre ainsi que le tronc et la nervure de palmier.
La modestie au sein de « l’ achira »et «La djemaa » implique une simplicité selon des règles préétablies et égalitaires. De fait, la précarité et la misère sont deux fléaux éradiqués au sein de la société mozabite, les agents religieux régissent les divers aspects de la vie quotidienne, ainsi toute les maisons ont la même configuration : Tizfrit (la salle de prière), Sqifa (le vestibule), emess enej (le patio) .Le génie du M’zab se traduit aussi dans les forages des puits et la construction des seguias.
L’objet remplit à la fois un rôle fonctionnel et esthétique, cette dernière caractéristique est dite « accidentelle », car elle n’est pas recherchée. Il en résulte ainsi, une régularité des formes, qui demeure quasi-propre à la région.En outre, les les signes et les objets magiques ont été selon les croyances locales, souvent assimilés au fait ornemental.
Pérenniser un model architectural vieux de neuf siècles, témoigne de la volonté d’une population soucieuse de garder intacte son Histoire qui se manifeste par une doxa (ensemble d’opinions) fondée sur un ordre moral, religieux et des structures sociales codifiées. Classée patrimoine mondial, La vallée du M’zab, est l’expression vivante d’une architecture ancrée dans la société et l’environnement .
Leila Assas
Bibliographie :