26 May
26May

En Algérie, le diwan est une confrérie populaire; dont les pratiques se trouvent rattachées à la mémoire collective liée à la dramatique traite des esclaves; et dont l’histoire est relatée à travers (principalement) les récits des  Haoussa, et Bambra dans leurs périples à travers le Sahel du  XVI au XIX siècle .la huitième édition du festival culturel national de la musique Diwane, qui s’est déroulée du 23 au 29 du mois précédent ( mai 2014 ) a mis l’accent sur  la dimension socioculturelle du diwan.

L’aspect  ésotérique du diwan,  dont les rencontres sont marquées par une transmission essentiellement orale; est hautement codifié. D’ailleurs, la définition du mot diwan reste encore un peu floue, et la plus répandue le désigne comme étant un  "lieu d’écoute de la musique, de la poésie et d’échanges littéraires"  , au même titre que dans les salons de tradition perses, ou encore musulmans .

Un festival musical, au service de la sauvegarde d’un patrimoine:

Le festival de la musique Diwan s’est ouvert sur un spectacle de rue, auquel ont participé différentes troupes, avec au programme : karkabou, baroud et danses. Petits, grands, amateurs ou initiés; tous étaient au rendez-vous. En plus de la scène principale, qui se trouvait à Bechar, pas moins de quatre autres installations : Taghit, Béni Abbas Kenadsa et Igli  ont été mises en place, afin de  propager la diffusion de ce festival, très prisé dans la région de la Saoura .

Le volet musical fut axé sur un concours, qui a regroupé quatorze groupes de diwan, et dont la compétition fut soumise à de rigoureux critères de sélections, à savoir :  la qualité de l’audition, le jeu du gumbri et du maalem, les performances du Coyo bango (le soliste du groupe), les costumes des participants ainsi que la qualité des chorégraphies exécutées  sur scène.

Les trois lauréats de cette édition sont : Sidi Belal de Mascara : Jil Said  d’Oran et Noudjoum diwan de sidi bel  abbes. Leurs succès leurs assurent une participation au Festival International du Diwan  qui se tiendra du 8 au 14 août 2014.

Par ailleurs, des artistes de divers horizons ont investi la scène principale du festival, citons : La formation Ahalil Féminin de Charouine, Gnawa El Waha, Caméléon, Nora Gnawa (un groupe qui fait fusionner la musique Diwane avec des sonorités et des rythmes tel que le rai, le reggae et le jazz), le groupe Clé 13, Diwane El Dey, Hassna El Bécharia, Es Sed  et Freeklane .

Présenté sous le thème «Diwan… patrimoine et culture»,  le festival culturel national de la musique Diwane tente de réconcilier les foules, avec cet art dénigré durant des décennies, car longtemps assimilé à de la simple représentation folklorique.

La mise en scène de musique diwan est soumise à des rituels précis. Sa réhabilitation en tant que patrimoine, a permis de l’exposer sur la grande scène, et donc de lever un léger voile sur  l’énigmatique pratique du diwane.

 Cette La huitième édition du Festival culturel national de la musique Diwane ( 2014) a, en plus du volet musical, initié un cycle de conférences-débats sur le thème du Diwane.

Ces colloques furent animés par des chercheurs de diverses disciplines (musicologue et ethnomusicologues), et ont permis d’aborder plusieurs thèmes; ainsi celui de « la dimension humaine de la musique diwane » fut traité par Majid Bougarba et Abdelwahed  Fedel s’est chargé quant à lui, de nous transmettre son savoir à travers le sujet du « Goumbri, contexte et apprentissage » et enfin Halim Aroua, s’est exprimé sur « El Lila au centre du rite diwane ». De plus, une série d’ateliers furent mis en place, dans le but d’apporter des éléments de réflexion, et d’éclaircir certaines zones d’ombres sur les rites autour du Diwane, et  qui restent encore auréolés de mystères.

La mise en espace du diwane  :

Nous verrons travers les témoignages croisés, de deux membres de jury : Abdelwahed Fedel, musicologue et Maalem Mejbar Ben Medjbari,  la mise en espace de cet art, qui se situe quelque part entre le rite et la scène, entre l’espace sacré et le profane.

Aborder le diwane en tant qu’expression musicale, à travers le jeu d’un instrument tel que le goumbri « ne se limite pas au seul apprentissage de ce dernier », souligne Abdelwahed Fedel, qui  ajoute en ce sens «c’est un instrument , avec un répertoire, des notes et des  rythmes, tel est le cas de toutes les musiques algériennes. Elles sont basées sur une  méthode d’apprentissage traditionnelle qui se transmet de  bouche à oreille, et nous pourrions reprendre ces même mécanismes, pour développer le jeu du goumbri hors du diwane traditionnel, car il faudra préciser qu’il existe des musiciens qui veulent apprendre à jouer de cet instrument en dehors du rite, il serait donc dommage les en priver »!

En effet, nous avons pu observer  sur la scène musicale du festival, du côté des initiés (maalem) versés dans les rites du diwan, des joueurs du goumbri autodidactes qui ne font pas parti de « cette sphère ». L’intérêt croissant et l’engouement qu’a connu « ce genre musical »auprès  des jeunes ne laisse pas  les initiés du diwane de marbre, et à ce propos Mejbar Ben Madjberi, précise que « le  but de ce festival est de révéler cette musique, et de mettre la lumière sur cette pratique : « un maalem qui joue le goumbri, et qui a appris les bradjs* , en tant que musicien est un maalem musicalement accompli, mais ce n’est pas pour autant que le coté spirituel suit ».

Il existe donc deux voies : l’une musicale, et l’autre spirituelle; tel est le cas du  maalem de m’hala « le chemin », versé dans rites du diwane. D’ailleurs, Mejbar Ben Madjberi critique « la reprise des rituels en tant qu’exhibition et mise en  scène dans le cadre du festival, car pour lui la scène prend en charge des éléments concis et techniques et ne peut donc intégrer la valeur spirituelle ». Il affirme ainsi, que cette valeur ne peut être observée que lors de la waada dont on ne doit pas négliger le rôle, et qui devrait être en relation directe avec le festival  dont elle serait l’homologue spirituel. 

Abdelwahed Fedel partage avec nous son avis, et ajoute que « La scène et le diwane sont deux mondes différents ». Au diwane, les adeptes veillent à une structure, c’est le rituel  qui prime; et sur scène c’est la musique, jouée pour le public qui règne en maîtresse des lieux.

L’émergence du diwane ainsi que sa diffusion à un large public ouvre la voie sur des pistes de recherche «en terme d’apprentissage et de sauvegarde du patrimoine » Cette évolution met l’accent sur des mutations et des représentations diverses, situées entre le répertoire musical et le rituel hermétique.

La voie musicale et la voie spirituelle sont  deux dimensions distinctes qui cohabitent  afin de pérenniser cet art et cette pratique socioculturelle, et à ce propos le public du festival a été agréablement surpris de découvrir un master class  avec le talentueux maalem Abdelmalek âgé  de  12 ans.

Leila Assas


Crédit photo  : Maalem el hbib, Tamara Turner©


* Membres du jury : 

  • Azzedine Benyakoub
  •  Maalem Mejbar Ben Medjbari
  • Maalem Houari Boussmaha
  • Fedel Abdelwahed  (musicologue )
  • Mokhtar Doulache (musicologue )
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