Le Grand Touat, à l’instar de l’école de Fès au nord Afrique et de Timbouctou au Sahel, fut depuis des siècles, l’un des pôles spirituels les plus prestigieux; où foisonnaient et se multipliaient autrefois rencontres des lettrés et érudits de l’islam. D’ailleurs, l’âge d’or des ulémas connait un essors fulgurant aux XVIe siècle et XVII e siècle; périodes marquées par l’omniprésence des zaouïas, et du pouvoir chérifien (confréries religieuses) venues du Sultanat du Maroc .
L’héritage du Grand Touat
Le champ littéraire et canonique ksourien s’articule autours des Khizānas (bibliothèques); plus particulièrement celles qui se trouvent à Tamentit, ancienne capitale du Grand Touat médiéval. Très vite, cinq grands noms de l’érudition ksourienne s’impose : les Bakrī-s de Tamantit, les Tinilānī-s de la region du Timmi, les Zajlāwī gourara, les Raqqādī et les Balbālī de Mlouka.
Ces bibliothèques, de véritables trésors littéraires, regroupant des manuscrits, des textes de loi, des récits de voyages , ainsi que des biographies de savants aux origines ksourienne tel que ʿAbd al-Raḥmān b. Baʿamar al-Tinlānī (m. 1189/1775) mais aussi de lettrés d’autres contrés, citons : Abd al-Raḥmān b. Ibrāhīm al-Jantūrī.
Parmi ces précieux ouvrages, on trouve les nawazil, qui sont également répandues au Maghreb austal, au Sahel et en Espagne Andalouse. El nawazil, du singulier Nazila sont des recueils à portée canonique, ou supposée l’être. Elles disposent également d’une valeur jurisprudentielle, et incluent des échanges épistolaires et biographie d’illustres savants et caïds . Leur dénomination nazla/nawazil, signifie littéralement « ceci est tombé »; et fait donc directement référence à des «consultations sur des cas concrets, sans précédent, et qui font jurisprudence »* .
En réalité, nous ne sommes pas en présence de textes canoniques applicables directement, mais de pastiches; ce qui correspond plus à « une forme littéraire, […] que de l’élaboration de cadres analytiques ». Par ailleurs, El nawazil, appelées également « ajwiba » -réponses- , se distinguent des Fatwas par leurs valeurs sémiologique non laconique
En outre, la valeur didactique des nawazil dans les affaires des communautés a évolué, souvent en parallèle de la législation officielle. Et cela même durant la période coloniale, pendant laquelle les caïds étaient en charge juridique, des affaires économiques de la région, us et coutumes ainsi que dans les litiges et querelles ethniques .
En l’an 1840 , le cadi Muḥammad al-Ḥājj b. ʿAbd al-Raḥmān al-Balbālī (m. 1244/1828), initie le projet de l’anthologie Nawāzil al-Balbālī, regroupant ainsi l’oeuvre de trois générations de lettrés. Le projet fut achevé par son fils . Cette démarche est fréquente, et souvent entreprise par des disciples ou descendants soucieux de porter les dires d’un savant à la postérité . Il convient de préciser que l’ anachronisme, le manque de précisions, voire même la subjectivité des nawazil remettent en cause leurs valeurs religieuses. Cependant, ces textes comportent de véritables prouesses stylistiques, et demeurent d’une grande portée historique.
Leila Assas
Citation Ismail Warscheid *