25 May
25May

Foyer  initial d’une société, l’habitat est en perpétuel mutation, il est conçu pour obéir aux besoins et exigences de ses occupants. Les populations sahariennes nomades et semi sédentaire, les kel tamasheq, appelés également  touarègues, demeurent attachées à l’habitat nomade : la tente « un type d’habitat transférable qui est rapidement dressée ». Elle reste l’habitat le mieux adapté à leur mode de vie. 


Ehakit, un terroir au féminin 

La tente est appelée  en tamasheq  «ehakit » ce qui signifie  « demeure », elle est désignée sous le vocable « ehan » chez les kel tamasheq de la région de Kidal. Dans les us, coutumes, et traditions des Kel Tamaqheq, la confection et la réalisation de la tente sont confiées aux femmes, celles-ci la fabriquent en tissant des peaux d’ovins d’une longueur d’environ 6 mètres de long sur 2 mètres de largeur. Une fois cousu, le tissu est recouvert de graisse animale pour plus d’étanchéité.

Par la suite, deux poutres en bois d’acacia seront fabriquées par des forgerons, et serviront de structure (latérale) à l’étoffe. Ces poutres sont nommées timankayen, signifiant littéralement « expulser hors du ventre ».  Ce mot fait allusion au fait que c’est à ces poutres que la femme s’accroche pour accoucher.

Par ailleursla tente est dressée grâce à douze pilastres en bois, positionnés en structure collatérale. Six petits pieux de moins d’un mètre servent à maintenir au sol les deux largeurs de la tente. 

Lorsqu’elle coud sa tente ou la peint, la mère du foyer est aidée par d’autres femmes des campements environnants. Le nombre de femmes qui prête main forte, reflète le degré de respectabilité de la maitresse des lieux.

Une fois achevée, la tente est scindée en deux alvéoles appelées en tamasheq tajiwen. La première, séparée du reste de l’habitat par les poutres ouvragées et la porte écuelle, est exclusivement réservée  à la mère de famille, car « tous les biens personnels de la femme et autres objets valeureux s’y trouvent : le grand sac où l’on met les habits, les bijoux et autres objets précieux, la malle, la grande et belle natte traditionnelle utilisée pour atténuer la force et la température de l’air, l’écuelle de lait, les apis… » La second partie est visiblement plus exiguë, elle est réservée au reste de la famille et aux voyageurs qui s’y abritent surtout en période de grande canicule ou de froid et de pluie.

Ehakit (demeure/foyer) est indissociable de l’image de la  femme, qui œuvre pour que celle-ci soit belle et confortable. Elle reste son œuvre et son domaine privé; le lieu où elle s’épanouit, un point d’attache autour duquel évolue et prospère la famille. 


Hiérarchisation  sociale autour du «ehakit »

Le vocable ehăkit  désigne le « foyer » et par extension l’« union ».  C’est une sorte d’allusion faite, à l’origine sociale de la femme. Dans une société foncièrement matriarcale, telle que chez les kel  tamasheq, la  tente est un indice qui nous informe sur l’appartenance  statutaire de la maîtresse des lieux. «On parle souvent des gens de petites et grandes tentes pour renseigner sur le rang sociale  des  familles».

Dans un campement, l’emplacement des tentes indique quant à lui, le degré d’intimité de leurs propriétaires qui sont socialement proches les uns des autres, par les liens du sang, ou autres consensus. Celle du chef de la tribu se distingue habituellement par son  calibre et son emplacement.

Contrainte à la transhumance au gré des exigences du cheptel, la gente masculine des tribus nomades du kel tamasheq est tente 2partiellement exclue de la tente, emblème matriarcale et bien précieux de la femme touarègue au même titre que ses coffres pleins de bijoux.

Plus qu’un espace vital, « ehakit » est également un  haut lieu immatériel. Dans un environnement marqué par la rudesse, et où la solidarité exalte la pérennité des liens, la tente jalonne  et organise ainsi la vie sociale au sein de la tribu. Sa confection est l’occasion de consolider  et de renforcer le tissu social, « ehakit » devient alors un pivot autour duquel s’articulent retrouvailles,pactes et alliances.

Leila Assas 


Bibliographie  :

  • René Pottier & Saad Ben Ali, La tente noire, Éditions les œuvres représentatives, 1933
  • Hélène Claudot-Hawad, Touaregs. Apprivoiser le désert, Paris, Gallimard, 2002 (collection Découvertes, Cultures et société.
  • André Bourgeot, Les sociétés touarègues. Nomadisme, identité, résistance, Paris, Karthala, 1995
  • Crédit photo : Ouardia Ousmer 
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