17 May
17May

Charles de Foucault, auteur de Poésie touaregs, du Dictionnaire touareg-français, des Écrits spirituels, et Carnets de Tamanrasset, est l’incarnation de plusieurs profilsAlors, érudit, homme de religion ou espion au service de la France ? La controverse persiste.


De St Cyr au Hoggar 

En l’an 1876, le vicomte Charles Eugène de Foucault de Pontbriand rejoint la prestigieuse école de St Cyr, puis intègre l’école de cavalerie de Saumur, jusqu’en 1880. Prédestiné à une carrière militaire digne de son rang, il prend part à la campagne dans le sud Oranais dans une Algérie, colonisée depuis 1830. C’est donc en militaire qu’il découvre le nord Afrique.

A l’aube de ses trente ans, il se détourne de sa mission au sein de l’armée et verse dans la voie de la religion catholique. Un pèlerinage à Nazareth (Palestine) en 1889 fixe ses ambitions de missionnaire ; et c’est en homme de Dieu qu’il regagne le nord Afrique. Il séjourne à Beni Abbés de 1901 à 1905, et s’installe la même année dans le Hoggar, à Tamanrasset où il vivra jusqu’à la fin de sa vie, en 1916. De Foucault, meurt assassiné par des Touaregs qui l’accusaient d’espionnage, une incrimination non dénuée de sens compte tenu du contexte colonial et de la posture de l’ermite. Son choix de devenir missionnaire est un acte perçu tantôt comme une continuité de sa vision colonialiste militaire, tantôt comme un acte de repentir.

Dominique Casajus, anthropologue français, met en exergue la nature des rapports qu’entretenait Charles de Foucault, avec ses homologues militaires français, mais aussi les Kel tamasheq (Moussa Ag Amastan, Dassin OultIhemme  ou encore son guide Yaya Boutamene). A sa mort, ces derniers sont convoqués pour témoigner, mais Dominique Casajus remet en question la véracité de leurs témoignages et la sincérité de leurs postures qui semblaient régies par intérêt, et non par amitié désintéressée envers l’ermite. Ils écartaient la possibilité que ce dernier puisse avoir des ennemies ou encore d’avoir pu, de par certains agissements, se faire des adversaires.   Foucault fut -t-il tant aimé et accepté parmi les kel tamasheq ?

A propos de Foucault et les Kel tamasheq du Hoggar, D.Casajus précise ceci « Lorsqu’ils voient Foucauld pour la première fois, au printemps 1904, il est au milieu des militaires, ces mêmes militaires dont les fusils à tir rapide ont couché plus d’une centaine des leurs dans la plaine de Tit, en mai 1902. Il vient de quitter Beni-Abbès, où il vivait depuis l’automne 1901, au voisinage d’un Maroc où il s’était illustré comme explorateur et où il brûlait de revenir en missionnaire. [] L’année suivante, il revient au Hoggar, à nouveau dans une colonne de l’armée, dirigée par le capitaine Dinaux ».

Ses biographes font mention de son zèle, de son attitude colonialiste et de son discours missionnaire. D’ailleurs, son engouement est peu contenu lorsqu’il se retrouve avec ses alter-ego français, des personnes « très intelligentes, très vertueuses et très chrétiennes. » A son gout.

Dans une pertinente critique littéraire, le journaliste marocain Hafid Adnani analyse le roman historique de « Mardochée » de l’auteur marocain Kébir Mustapha Ammi . Il y revient sur un épisode clé de la vie du missionnaire, mettant en exergue. « Les liaisons dangereuses entre la colonisation et l’Église catholique » et poursuit « [  ] Ce véritable travail d’ « espionnage », animé par le désir sincère de propager la religion chrétienne. »  En effet, le récit de son voyage au Maroc actuel en l’an 1883, constitue un ouvrage majeur pour la conquête du pays, pas encore sous la domination française. Il reçoit suite à cela, la médaille d’or de la Société de géographie. Plus tard, en 1921, un monument est érigé en sa mémoire à Casablanca où nous pouvons lire ces mots :


À Charles de Foucauld,
 Explorateur du Maroc,
Officier- Explorateur- Prêtre- Apôtre du Sahara
Héros, saint et martyr.
Mort pour la France à Tamanrasset (Hoggar) le 1erdécembre 1916.


Missionnaires, voyageurs, explorateurs, hommes de lettres et peintres orientalistes occidentaux. Des personnages hauts en couleurs, ont foulé des terres colonisées aux côtes des militaires, en cette fin du XIX siècle. Ils renseignent, rendent compte et participent aux dessins colonialistes, renfonçant un discours expansionniste qui participe à justifier la mission civilisatrice, à l’instar d’un Croisé ou d’un conquistador. Les traits « humanistes » de certains personnages s’estampent à la lumière de nouvelles relectures de l’Histoire.

 Leila Assas


Bibliographie : 

  • Conférence, R. Deillon Charles de Foucauld et le Désert& Des roses dans le sable
  • Dominique Casajus. Charles de Foucauld face aux Touaregs. Rencontre et malentendu. Terrain : revue d’ethnologie de l’Europe, Ministère de la culture, Sous-direction ARCHETIS-DAPA, 1997, pp.29-42.
  • Hafid ADNANI,Kébir Ammi : Charles de Foucauld « revisité » par son guide ,Publié dans Alg Littérature/Action numéro 163-164 sept-oct 2012
  • Paulette Leblanc, Bienheureux Charles de Foucauld (1858-1916)
  • AuréliaDusserre, « Pratique de l’espace et invention du territoire », Rives méditerranéennes
  • IMAGE 1 : Goyau, Georges | Ouvrage :À la conquête du monde païen .
  • Image 2 : Archive coloniaux



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