25 Sep
25Sep

En affirmant que "Baya dont la mission est de recharger de sens ces beaux mots nostalgiques : l’Arabie Heureuse. Baya, qui tient et ranime le rameau d’or", André Breton s’inscrit dans une démarche d’exotisation de l’art non-occidental. L’« Arabia Felix »      (Arabie Heureuse),terme utilisé par les Grecs anciens, désignait le sud de la péninsule arabique, (actuel Yémen),réputé pour sa fertilité, contrastant avec l’Arabie Déserte au nord, et qui se trouve á mille lieux de l'Afrique : terre natale de Baya.

Cette imagerie, chargée de connotations historiques et géographiques, sert à Breton de prisme pour interpréter l’œuvre de Baya. Toutefois, cette approche s’inscrit dans une tradition occidentale de réduction des cultures non-européennes à des clichés et fantasmes.En choisissant de décrire Baya à travers ce cadre orientaliste, Breton projette sur elle une vision façonnée par son propre imaginaire. Il en résulte une lecture déformée, qui confond l’artiste et ses œuvres avec des notions esthétiques préconçues. Ce prisme occulte l'ancrage identitaire de Baya, la réduisant à une figure archétypale de l’Orient fantasmé, effaçant ainsi la singularité de son expression artistique et culturelle. Pourtant, l’œuvre de Baya, demeure ancrée dans sa  dimension africaine algérienne kabyle. Elle reflète un dialogue entre les traditions berbères et les courants modernes, et témoigne d'une créativité autonome. Baya se confie plus d'une fois, ses toiles sont des réminiscences de sa culture. Elle évoque les femmes potières kabyles et les contes de son enfance.

En l'enfermant dans un cadre simpliste d'exotisme, Breton ignore la richesse de son œuvre, profondément marquée par ses origines kabyles et les influences qui ont façonné son parcours artistique.De plus, l’art de Baya s’inscrit dans une dynamique de résistance face aux lectures réductrices. Les motifs floraux, les figures féminines omniprésentes dans son travail, et son langage pictural unique, transcendent les tentatives de récupération et d’interprétation occidentale. Son œuvre témoigne d’une complexité qui dépasse les stéréotypes imposés par l’orientalisme et les fantasmes coloniaux.

Dans le cadre de « 2022. Regards sur l'Algérie à l'IMA , les œuvres de Baya ont été exposées á l’Institut du monde arabe ( IMA), ce qui renforce la confusion autour de son identité. En y étant présentée sous l’étiquette d’art arabe, son héritage kabyle est une nouvelle fois invisibilisé, alimentant l’appropriation culturelle qui persiste depuis des années au nom d'un concept idéologique que nommé Monde arabe. Un monde peuplé d'Amazighs, de Kurdes, de Coptes, de Nubiens, d'Assyriens et de Phéniciens dont l’Histoire et l’héritage sont souvent effacés au profit d’une vision homogène et réductrice.

Leila Assas 



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