Les chantres magrébins de confession juive, ont contribué à enrichir les scènes musicales algériennes, marocaines et tunisiennes avec un style pétrit de brassages. Ils ont fait émerger la musique dite judéo-maghrébine, qui prend racine depuis l’Andalousie perdue, évolue en nord Afrique pour s'exiler (une nouvelle fois) en France.
De l’Andalousie
Les orchestres judéo andalous au Maghreb entretiennent une tradition séculaire, née de l’exil forcé qu'ils ont vécu. Installés au Maghreb, région devenue principale terre d'accueil pour les deux communautés juive séfarade et morisque, contraintes de quitter l’Andalousie suite à la reconquête des rois catholiques de l’Andalousie musulman (Reconquista 1492).
Les musiciens juifs exilés expriment leur rapport au déracinement, par différentes représentations poétiques, donnant ainsi naissance à un véritable style artistique. Ainsi, trois grandes écoles musicales s’implantent au Maghreb,el Gharnati, S’anâ, et le Maalouf; qui comptent parmi leurs chantres autant de musulmans que de juifs. Ces derniers, intègrent à la fin du XIX siècle, le chant liturgique hébraïque hazanoutqui influence l'évolution du répertoire judéo-magrébin de la première partie du XX siècle.
Par ailleurs, c’est avec la création de l’association El Moutribia en 1909 par Youcef Eni Bel Kherraia et Edmond Yafil que le genre connait un essor, notamment avec la retranscription des chants. Citons parmi ces nobles voix : Saoud el Mediouni, dit l’Oranais, chantre du registre andalou, le maitre du maalouf,Cheick Raymond Leyris, dit le Constantinois, Zohra el Fassia, Chloumou Souiri, Aroussia Brouta exellent dans le melhoun, un courant marocain ainsi que Leila Sfez el tounssia qui porta sa voix dans un registre plus populaire.
En marge de la musique andalouse dite savante, et apanage des maitres, un genre nouveau émerge depuis les années trente et connait dès les années cinquante un franc succès. Le Music Hall «Françarabe ».
Music Hall Françarabe
L’expression francarabe, renvoie à l’intégration de la langue française dans le Music Hall maghrébin; qui demeure plus proche du chaâbi de part son caractère populaire. Il eut parmi ses précurseurs, Salim Hallali dont on connait la chanson "MahaniZine Ya Laamar". Issu (à l’instar de Mohamed El Kamal) de la formation andalouse deMahiedineBachtarzi, il est marqué par des sons nouveaux tels que le boogie-woogie américain, de la rumba, du tango ou encore du jazz .Les thèmes et rythmes sont plus trivialeset légers. Les musiciens juifs de l’époque tel Felix dit, Samy El Magharibi chante Caftanekmahloul « ton caftan est fondu » une mélopée audacieuse qui chante la femme. Reinette l’Oranaise crie « Nhabek nhabek » (Je t’aime, je t’aime).On cite aussi Lili Boniche, Line Monty et Blond-Blond.
Vers les années cinquante -soixante, cette musique rima de nouveau avec l'exil, celui de la communauté juive maghrébine vers la France. Les leitmotivs el ghorba (exil) el ouah’ch (nostalgie) dominent désormais ce genre, devenu un symbole fédérateur pour la communauté juive d’origine nord africaine.
Leila Assas
Bibliographie :